« Monsieur, veuillez attacher votre ceinture et refermer votre tablette, nous allons atterrir... » Une hôtesse de l'air me fixait, de ses grands yeux clairs, me désignant alors la boucle de la dite ceinture. Elle m'offrait au passage une pastille à la menthe. Déglutir aidait à ce que les oreilles ne se bouchent pas. Ainsi, l'atterrissage et le changement de pression atmosphérique ne blessaient pas les passagers. Ne vous marrez pas, j'ai appris ça il n'y a pas si longtemps que ça, en posant justement la question à une charmante demoiselle, lors d'un vol Paris-Marseille. Acquiesçant d'un signe de tête, je bouclai ma ceinture sous ses yeux, et terminai ma phrase pour exécuter ses recommandations. Questionnaire rempli, je le rangeai dans mon sac et glissai ce dernier sous mes jambes. Trop tard pour le remettre dans le casier au-dessus de ma tête. Je ne devais plus bouger et attendre sagement que l'appareil se pose à terre. La petite fille, à ma droite de l'autre côté de l'allée, semblait surveiller le moindre de mes faits et gestes. Si bien que lorsque je pris appuis pour me relever, elle se posta juste devant moi. « Vous pouvez signer mon coloriage ? » Elle me tendit le livret offert par la compagnie aérienne, accompagné d'un feutre. Je griffonnai quelques mots pour cette petite bouille angélique, et ponctuai le tout par ma signature. J'avais enjolivé les choses, afin qu'elle puisse se la jouer dans la cours de récréation lors de la reprise. « Super voyage avec toi jusqu'à SF ! Gros bisous, Jules Delmas. »

Ah ce que j'aurais aimé qu'on me reconnaisse à l'aéroport. Du moins, plus franchement que lors de mon escale à New-York. J'aurais aimé que ça soit le cas, non pas pour la reconnaissance en tant que célébrité et visage connu -bien que ça fasse plaisir-, mais simplement pour qu'on m'exempte de fouille. C'était la troisième que j'effectuais, et je devais bien avouer que ça me soûlait ! Virer ses chaussures, ses affaires, jouer au pantin devant les douaniers, et finalement tout remettre pour enfin être tranquille. A SF, j'ai failli me battre avec l'un de ces types. Dans mes rêves, je vous rassure. Avec mon petit gabarit, je ne fais pas trop le malin ! Sans la moindre once de gêne, il avait bouffé mes derniers twix sous mes yeux ! Comme si de rien était ! Depuis quand un twix ressemble à un bâton de dynamite ? Depuis quand ça se confisque ainsi ?! Comme il faisait 2 têtes de plus que moi, je n'ai rien dit... Mes pauvres twix...
Pas le temps de pleurer sur leur triste sort, je devais quitté le terminal B et trouver la personne censé venir me chercher. Eleana... Sans elle, je ne sais même pas si j'aurais tenté quoique ce soit pour venir ici. Après tout, elle était mon seul véritable lien à San Francisco, lorsqu'on mettait le label Shine On de côté. J'étais même incapable d'expliquer comment nous nous étions virtuellement rencontré. Tout ce que je pouvais encore affirmer, c'était que le contact était super bien passé et qu'au final les échanges de mails avaient été très nombreux. Nous avions essentiellement parlé de musique, mais aussi des passions et plaisirs qui animaient nos vies respectives. De nos caractères aussi, sans jamais réellement aborder notre passé. Son questionnaire m'avait donc amusé lors du vol, car il semblait combler des détails qu'elle ne connaissait pas encore. J'avais hâte de la rencontrer, car ses messages m'avait conduit à m'en faire une image des plus charmantes.

Trainant ma valise derrière moi, et tenant mon sac à dos sur mon épaule, je longeais le couloir sans un mot. J'appréhendais un peu... Normal, non ? Je préférais penser que ça l'était. Puis des barrières entrèrent dans mon champ de vision, à la sortie du couloir qui ressemblait d'ailleurs plus à un tunnel qu'autre chose. En face de nous se trouvaient tout un tas de gens, venus récupérer amis, famille, proches ou encore groupes de touristes. Un troupeau de pancarte ! Je me lançai dans un nouveau jeu : celui qui consistait à retrouver mon nom dans ce fouillis. Entre les petits, les grands, les panneaux écrits en vert fluo et donc illisibles... J'avais du mal. Et c'est là que je l'aperçu. Le maintenant juste devant elle, une demoiselle m'attendait sur le côté ! J'esquissai un sourire et m'approchai d'elle. Pas de doutes, même avec les cheveux attachés, c'était elle. J'avais sa photo en tête ! « Hey ! Euh... Salut, Eleana... » Bizarrement je me sentais con. C'est vrai quoi, ça manquait de naturel ! Elle se montrait souriante, agréable... Mais ne me décrochait pas le moindre mot. Elle avait perdu sa langue ?

_ oh iiiiii haaad the time of my liiife _ voilà la chanson que vous pourriez entendre si vous étiez dans la tête de mademoiselle Buckley, version Black Eyes Peas évidemment, alors qu'elle dansait au rythme de cette musique comme une adolescente seule dans sa chambre, sauf qu'elle, elle était seule dans son appartement. Le truc c'est qu'elle avait oublié un petit détail qui n'était pas des moindres... Dans un peu moins de vingts minutes elle devait se trouver à l'aéroport pour retrouver Jules, le français super charmant avec qui elle avait eut un très bon contact et qui rêvait de se faire connaitre aux Etats Unis. Sauf qu'il fallait environ quinze minutes pour se rendre à destination et qu'elle n'était ni habillée, ni même coiffée ou maquillée. Se fut en réagissant de cela qu'elle eut comme une crise panique, se mettant alors à courir dans tous les sens dans son appartement cherchant des fringues à se mettre. Elle attrapait ce qui lui passait sous la main, un jean, un tshirt blanc tout simple, par dessus lequel elle enfila sa veste en jean, une écharpe dans les tons roses parce que depuis toutes petites on lui avait apprit à protéger sa gorge, comme si sa aller pouvoir la guerir tiens ! Au fil des ans c'était devenu une habitude qu'elle a alors gardé depuis. Pas le temps de se maquiller ni même de se coiffer, elle s'attacha les cheveux rapidement et pris ses lunettes de soleil pour cacher ses beaux yeux bleux.

Prête en cinq minutes top chrono, elle accouru jusque sa voiture décapotable dans laquelle elle sauta sans même prendre le temps d'ouvrir la portière pour démarrer en trombe en direction de l'aeroport. Encore une fois, dans l'urgence, elle ne chercha pas le parking, au lieu de ça elle prit la place d'un taxi qui venait de partir, place donc interdit à toute voiture n'étant pas un taxi cela va de soi, et se précipita dans le couloir des arrivées. Le truc, c'est que même si ils s'étaient envoyés des photos pour pouvoir se reconnaitre, ben elle n'était pas sûr qu'il se souvienne assez d'elle pour la retrouver au milieu de tous ce monde alors l'air de rien elle piqua une pancarte à une femme qui passa à côté d'elle et se mit à courir devant un écran pour savoir à quelle porte elle devait se rendre pour l'accueillir. Une fois les informations obtenue, elle s'empressa d'écrir son nom en gros sur ce bout de carton qu'elle avait dans les mains et se rendu au bonne endroit en esperant ne pas être en retard.

Heureusement se ne fut pas le cas, et elle eut alors tous le loisirs de le voir la chercher partout ce qui la faisait sourire d'amusement. Elle aurait put faire signe, ou bien mettre la pancarte plus en évidence, mais non, elle trouvait ça amusant de le laisser chercher de lui-même alors qu'en le voyant s'approcher d'elle, elle était d'autant plus souriante. La photo ne le mettait vraiment pas en valeur ! Elle l'avait déjà trouvé vraiment craquant mais là elle trouvait que ce mec était tout simplement charmant à souhait ! Rien qu'un regard pouvait avoir raison d'elle elle en était sûr ! D'ailleurs, là, elle avait une excuse pour ne pas lui répondre étant muette, si cela n'avait pas été le cas, elle n'aurait très certainement rien trouvé à dire tellement elle était entrain de beuguer sur ses yeux... Powa ! Dans un sursaut de lucidité elle revint tout de même à elle alors qu'elle lui fit un petit signe de tête pour le saluer avant de poser le carton au col pour se mettre à lui parler en langage des signes sans penser qu'il ne comprenait pas le pauvre...

Mais il ne fallut pas longtemps pour voir qu'il la regardait comme tous ceux qui ne connaissait absolument rien au langage des signes, à savoir comme une folle... Elle fit alors une petite grimace qui pouvait se traduire pas "merde j'ai peut être pas pensé à lui dire que j'étais muette !" avant lacher un petit rire comparable à un souffle vu qu'aucun son ne sortait de ses cordes vocales... Elle était prête à se mettre au mime lorsqu'une idée lumineuse lui traversa l'esprit... Elle se rebaissa rapidement pour attraper la pancarte et se mit à écrire de nouveau dessus, plus petits cette fois avant de la lui tendre, découvrant alors l'inscription suivante : J'ai visiblement oublié de te dire que je suis muette, je te disais que si tu as tout ce qu'il te faut alors nous pouvons y aller. Enfin, à condition qu'il veuille toujours loger chez elle en attendant de se trouver un chez lui évidement, peut être que son handicap allait le bloquer après tout...

Je venais à peine d'arriver et voilà déjà que j'avais comme l'impression qu'il y avait un petit malaise. Comment l'expliquer autrement ? Un sourire s'était dessiné sur le visage de la jeune femme, certes, mais elle ne me parlait pas. Je n'avais aucun retour. Je ne doutais pas de la médiocrité de mon accent anglais, mais de là à ne pas me faire comprendre, il ne fallait pas exagéré ! J'avais pu tenir un semblant de conversation avec les vigiles de l'aéroport de New York, zut ! Je la fixais, un peu étonné de la voir plantée devant moi sans rien faire, ni rien dire. Mon cerveau surchauffait pour trouver quelque chose d'autre à dire, afin d'alimenter ce qui ressemblait à une tentative de communication complètement foiré. Rien ne venait. Et là... Elle me scotcha littéralement. Elle commença à gigoter dans tous les sens, ses mains s'emballait sous mes yeux et je n'y comprenais absolument rien. C'était une blague ? Elle était bien plus bavarde dans ses mails... Elle me faisait quoi là ? « Euh... J'sais pas... Un canard ? » Quoi ? Il ne s'agissait pas d'une leçon de mîmes ? Aux vues de son expression, ça ne devait pas l'être.

J'étais bien loin de me douter que j'avais fait une gigantesque boulette avec mon stupide canard ! J'avais une excuse, on ne pensait pas à tomber sur quelqu'un de muet en arrivant dans un pays étranger. Non mais c'est vrai ! Il fallait bien avouer qu'on ne s'imaginait pas ça en montant dans un avion. Je la vis se pencher pour attraper son carton et gribouiller dessus. Elle n'était donc pas décidée à me parler... Je compris très vite pourquoi en lisant ces quelques mots. Aussitôt, ma main se plaqua contre ma bouche, à présent entre ouverte. J'étais choqué... Non pas par ce qu'elle m'annonçait, mais bel et bien par ma connerie. « Oh merde... Je suis idiot... Désolé, je... enfin le coup du canard c'était... » Jamais encore je ne m'étais senti aussi stupide qu'à ce moment précis, et pourtant j'étais le genre de mec qui accumulait les gaffes. Je devais même être le roi dans cette catégorie. Un champion, indétrônable ! J'allais devoir me faire pardonner, par n'importe quel moyen ! C'était tellement bête... Tsss ! C'est dans ce genre de situation qu'on rêve d'avoir le don de remonter le temps et de pouvoir recommencer à zéro, comme si tout ça n'avait été qu'une répétition, un échauffement, un exercice... Mais non ! J'étais un véritable idiot !

Jetant un rapide coup d'oeil à mes affaires, comme pour vérifier qu'il ne me manquait rien, je finis par hocher la tête. « Tout est bon, on peut y aller, je te suis... » Quoique après ça, elle aurait probablement eu envie de me laisser me débrouiller tout seul dans cet aéroport. Sans le vouloir, je m'étais un peu foutu d'elle et de cet handicap. Ne parvenant pas à faire abstraction de mes regrets et de ma gêne, je ne pu m'empêcher de l'interroger tout en marchant jusqu'à la porte de sortie. « Est-ce que tu sais où je pourrais me racheter une conduite ? Des bonnes manières quoi... Un cerveau peut-être aussi ! » Sérieusement, je m'en voulais beaucoup, et cela devait se lire sur mon visage. Arrivant devant sa voiture, je ne pu qu'apprécier le modèle. Une belle décapotable, parfaite pour le soleil californien. Je pris l'initiative de déposer mes affaires dans le petit coffre, puis adressa un sourire en coin à ma nouvelle guide. Bien sûr, j'avais mis trois plombes pour déposer deux pauvres sacs, ayant presque envie de me planquer avec eux tant je me disais que j'avais littéralement foiré mon entrée. La connaissant au travers de ses nombreux mails, je tentais de me convaincre que ça n'avait rien de grave en soit et qu'elle ne s'arrêterait pas à ce petit détail. Sauf que l'auto persuasion, ça n'était pas mon truc apparemment. J'étais mauvais dans cette discipline. Elle, elle ne semblait pas vraiment froissée par mes élans de conneries, et pourtant... J'avais du mal à me détendre.

Lui s'en voulait d'avoir balancé ce truc du canard, elle, elle trouvait ça super rigolo en fait, d'ailleurs elle était super souriante en l'écoutant s'excuser, elle se disait que s'il la voyait lui sourire avec autant de sincérité il allait comprendre qu'elle ne lui en voulait pas le moins du monde. Et puis il fallait avouer que Jules était quand même vraiment super craquant, alors de le voir tout penaud de cette façon là était encore pire. Il dégageait un charme incontournable qui ne laissait pas indifférente la batteuse qui ne cessait alors de le regarder, à la voir on aurait put croire qu'elle était tout simplement sourde et non muette parce que c'était comme si elle cherchait à lire sur ses lèvres tellement elle le fixait. Elle se disait d'ailleurs que ce n'était pas plus mal qu'elle ne sache pas parler parce qu'avec son naturel franc et cash elle aurait très certainement lâcher des phrases plus équivoques les unes que les autres du style « Mais quel canon ce mec ! » phrase qui d'ailleurs ne cessait d'être répétée dans son crâne. Quoi qu'il en soit il n'avait rien d'un idiot, et elle voyait bien qu'il se sentait tel quel alors elle décida de faire un petit geste qui, elle espérait, allait l'aider à se sentir un peu mieux. Doucement elle posa sa main sur sa joue afin de poser ses lèvre sur l'autre joue et lui offrir un bisou tout mignon accompagné d'un sourire toujours aussi craquant, geste qui voulait donc lui faire comprendre qu'il n'avait pas à s'en vouloir alors qu'elle commençait à avancer doucement vu qu'il avait visiblement bien toutes ses affaires et qu'ils pouvaient y aller.

Il devait donc avoir comprit que sa bonne conduite qu'il espérait racheter n'était pas utile, elle aimait quand les gens restaient eux même avec elle, ça lui faisait oublier qu'elle était différente justement et ça faisait énormément de bien. Le truc c'est qu'elle était bel et bien muette, et donc bel et bien pas comme les autres, ce qui faisait que lorsque les gens ne savait pas parler le langage des signes, la discussion était assez difficile, mais elle ne se laissait pas démonter pour autant, elle aimait les défis, et se faire comprendre était celui qu'on lui posait tous les jours. Une fois vers sa voiture qui était donc toujours garé en vrac devant l'aéroport, mais qui, surtout, était entrain de recevoir un joli PV pour stationnement interdit, elle se mit à courir vers l'agent en le suppliant du regard de ne pas faire ça. Elle bougeait ses mains dans tous les sens, montrant sa montre puis mimant une course à pied avant de montrer son ami du doigt, pour finir par faire le geste de la prière... En parole cela aurait était simplement ce genre de phrase qui serait sorti d'entre ses lèvres : « S'il vous plait faites pas ça, j'étais super en retard et mon ami français qui ne connait rien ici allait se retrouver seul, j'en avais pas pour longtemps, regardez je m'en vais là... Pitié ! » Mais l'officier avait visiblement décidé qu'elle n'était pas muette mais qu'elle se foutait de lui.

Dépité de voir que même pas il avait pitié d'elle, elle lâcha donc l'affaire en le regardant avec un regard de tueuse cette fois ci en tendant la main, paume relevé vers le ciel, attendant donc qu'il y dépose ce bout de papier donnant le prix de son amende. Elle ne prononçait toujours pas un mot, en même temps normal vu son handicap, mais cela semblait énervé le policier qui du coup s'en prenait à Jules... « Vous savez que c'est nul de se faire passer pour un handicapé ! Vous direz à votre copine qu'elle ferait d'arrêter de prendre les gens pour des cons et qu'elle a intérêt de payer son amende ! » En entendant cela, et surtout en entendant le ton qu'il employé elle avait envie d'hurler ! Et puis pourquoi il s'adressait à son français ? Elle était muette, pas sourde ! Elle pouvait très bien l'entendre, la preuve, elle lui arracha le papier des mains en faisant une mimique super forcé en faisant la révérence pour le remercier avant de se retourner vers Jules et lui faire comprendre de mettre ses bagages dans le coffre en lui ouvrant avant de venir se mettre au volant qu'elle tapotant nerveusement de ses doigts tellement ce gars lui avait mit les nerfs... Pauvre Jules, il devait se demander ou il était tombé là quand même...